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Cameroun : Ferdinand Ngo’o Ngo’o et Laurent Esso unis pour la mise en liberté de Atanga Kouna

L’ancien directeur général de la Camwater a recouvré sa liberté totale vendredi dernier après avoir remboursé à l’Etat la somme d’un peu plus de 1,2 milliard de francs pour laquelle il faisait l’objet d’un second procès devant le TCS. Mais les juges ont décidé de le priver de la jouissance de certains droits civique et politique et ne lui ont pas restitué ses nombreux biens saisis pendant les enquêtes. Retour sur une actualité qui a tenu le public en haleine depuis deux ans.

Les vidéos montrant Basile Atangana Kouna esquissant des pas de danse, les doigts levés au ciel en signe de victoire, sous les chants et acclamations de ses partisans réunis devant sa somptueuse villa du quartier Bastos à Yaoundé, font des vagues sur la toile. C’est que depuis vendredi dernier, 29 juillet 2022, l’ancien ministre de l’Eau et de l’Energie a retrouvé ses appartements privés qu’il avait quittés depuis plus de 4 ans du fait de son incarcération à la prison centrale de Yaoundé. Pour cause, la collégialité des juges conduite par Mme Bahounoui Batende, la présidente du Tribunal criminel spécial (TCS), a «pris acte» de l’arrêt de poursuite décidé à son profit par le procureur général près la juridiction sur instruction du Garde des Sceaux. Cette décision fait suite à la restitution intégrale au Trésor public du corps du délit, en fait la somme de 1,2 milliards de francs pour laquelle il faisait l’objet d’un second procès devant la juridiction d’exception.

C’est en effet le 4 avril 2022 que M. Atangana Kouna avait procédé au remboursement de la somme évoquée. De l’argent qu’il était accusé d’avoir distrait pendant son séjour à la tête de Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater) entre 2002 et 2012. La transaction a été enregistrée à la recette des Finances de Yaoundé 1 et le parquet n’a pas hésité à donner lecture des références de la quittance établie à cet effet. Une semaine plus tard, l’ancien ministre réintroduisait une requête auprès du ministre de la Justice pour solliciter un arrêt des poursuites en sa faveur. Après avoir sollicité l’avis du président de la République, reçu par le canal d’une correspondance du secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr) devenue culte sur la toile, le Garde des Sceaux a validé sa demande le 27 juillet dernier, soit 48 heures avant que le tribunal ne prenne acte de l’arrêt des poursuites sollicité par l’ancien ministre.

Mutisme sur les biens…

Mais la décision du tribunal d’acter la fin des poursuites engagées à l’encontre de l’ancien ministre ne manque pas de curiosités. Certes, l’arrêt du TCS a ordonné la levée du mandat de détention provisoire sur la base duquel M. Atangana Kouna était écroué à la prison centrale de Yaoundé depuis le 23 mars 2018, mais il s’est limité à dire, sans être exhaustif, que l’ancien ministre est déchu de certains droits à inscrire dans son casier judiciaire. En fait, il n’a pas donné la liste des différents droits dont ne jouit plus l’ancien ministre et n’a pas précisé la durée de la déchéance. Le tribunal est aussi resté muet sur le sort des multiples biens de l’ancien ministre saisis alors que les enquêtes concernant ses différents procès étaient en cours. Mme Bahounoui Batende et ses collègues se sont limités à dire que l’examen de la procédure se poursuit avec les autres accusés les 17 et 18 août prochain.

Il s’agit précisément de Jean William Sollo, le successeur de M. Atangana Kouna à la tête de la Camwater. Cet ancien DG, qui a perdu sa maman dimanche passé, est accusé du supposé détournement global d’un peu plus de 3,6 milliards de francs opéré, selon l’accusation, pendant sa période de gestion dans l’entreprise publique entre 2012 et 2016. Il répond des faits allégués aux côtés de son ancien directeur des affaires administratives et financières, Dieudonné Maah, et de trois entrepreneurs : Victor Atangana Stanislas, Jean Parfait Koe et René Martin Mbida. Tous sont incarcérés à la prison centrale de Yaoundé.

Dans la dernière procédure le concernant encore au TCS, M. Atangana Kouna était visé par deux chefs d’accusation au sujet de sa gestion controversée de la défunte Société camerounaise des Etaux du Cameroun (Snec) devenue la Camwater. S’agissant du premier grief, on faisait à l’ex-ministre le grief d’avoir reformé et vendu aux enchères trois véhicules d’une valeur de 120,7 millions de francs chacun appartenant à la Camwater, sans requérir l’autorisation préalable ni du conseil d’administration, ni des tutelles de cette entreprise, le ministère des Finances, d’une part, et celui de l’Eau et de l’Energie, d’autre part. Pour l’accusation, l’attitude de l’ex-DG avait fait subir à l’Etat un préjudice de 383 millions de francs qualifié de détournement et mis à sa charge.

Concernant le deuxième grief, on faisait le reproche à M. Atangana Kouna d’avoir effectué des dépenses à hauteur de 882,4 millions de francs lorsqu’il occupait les fonctions d’Administrateur provisoire de la Snec, sans présenter les justificatifs des dépenses. On l’accusait d’avoir mentionné dans le bilan de la défunte entreprise des charges non autorisées. Selon l’accusation, ces manœuvres visaient à fausser l’image de l’entreprise en la présentant comme une entité «non viable» et en «incapacité d’autofinancement», le but étant de justifier la privatisation d’une partie de ses activités. C’est ce maquillage allégué qui avait favorisé la création de la Camerounaise des Eaux (CDE). La CDE, aujourd’hui en liquidation, était chargée de la distribution et de la commercialisation de l’eau. On se souvient que les explications du témoin de l’accusation, François Onguene, le 9 mars dernier au sujet de ces agissements, avait fait rougir M. Atangana Kouna de colère. Ce dernier était manifestement mal à l’aise que des détails sur des faits mis à sa charge soient discutés publiquement…

Bilan faussé

L’arrêt des poursuites décidé au profit de M. Atangana Kouna est l’épilogue d’une longue saga démarrée depuis novembre 2019 et dont Kalara a régulièrement rendu compte (lire ci-contre). En novembre de cette année-là, dès la première audience publique de cette procédure, les avocats de l’ex-ministre signalaient au tribunal que leur client avait l’intention de restituer l’intégralité des fonds mis à sa charge. Mais, ils sollicitaient que le tribunal autorise le déblocage de ses comptes bancaires et de son coffre-fort, scellés du fait des poursuites judiciaires, pour faciliter l’opération. Après avoir pris son temps pour s’exprimer face à cette demande, sans doute le temps de requérir l’avis du ministre de la Justice, le parquet avait finalement soutenu la proposition de l’ancien ministre, mais les avocats de la Camwater et du ministère des Finances, parties civiles dans ce procès, s’y étaient opposés, avant de changer d’avis plus tard du fait des pressions venues du sommet de l’Etat.

En fait, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, la présidence de la République était entrée en scène dans le dossier. Au mépris de la séparation des pouvoirs, le ministre d’Etat Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence de la République, agissant sur ordre du président de la République, enjoignait le ministre de la Justice d’ordonner au président du TCS et au procureur près ladite juridiction de se plier à la volonté de l’ancien ministre en levant les scellés sur ses comptes bancaires et son coffre-fort afin de rendre possible le remboursement des fonds détournés. Par deux fois, les juges avaient résisté aux injonctions reçues, annonçant à chaque fois que leur réponse allait intervenir à la fin du procès. M. Atangana Kouna et ses soutiens ont dû changer de stratégie pour que l’ancien ministre recouvre sa liberté.

En trouvant le moyen de verser au Trésor public, en avril dernier, la somme de 1,2 milliard de francs pour laquelle il était encore en jugement devant le TCS, M. Atangana Kouna a entrouvert la porte pour sa sortie de prison. Dès lors que les juges ne sont plus obligés d’intervenir dans le processus de restitution du corps du délit en levant les scellés sur les avoirs de l’ancien Administrateur provisoire de la Snec, Mme Bahounoui Batende et ses collègues n’ont pas hésité à prendre acte de l’arrêt des poursuites déjà décidé par le parquet comme le prévoit la loi. Comme depuis le départ, les comptes bancaires et le coffre-fort de l’ancien ministre restent cependant scellés, au moins jusqu’à la fin du procès de ses autres accusés, qui se poursuit…

Immigration clandestine…

D’où provient donc l’argent qui a servi à rembourser le corps du délit en avril 2022 ? L’ancien ministre, qui ne s’est pas ouvertement exprimé à ce propos après sa remise en liberté, garde avec lui tout le secret de la transaction. Ce qui est sûr, c’est que ses avoirs saisis lors des enquêtes depuis le début de ses déboires judiciaires, restent encore sous-main de justice. Mais, en quittant la prison, il a déjà un casier judiciaire relativement surchargé. Outre les déchéances prononcées contre lui vendredi dernier, qui restent imprécises comme déjà précisé, l’ancien DG de Camwater a deux condamnations judiciaires sur le dos. La première avait été prononcée par le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif (CA) le 7 février 2020. Œuvre du TCS, la seconde condamnation intervenait le 23 septembre 2021.

Devant le TPI de Yaoundé CA, M. Atangana Kouna avait en effet été déclaré coupable des faits «d’émigration clandestine aggravée» et sanctionné d’un an de prison ferme, notamment pour s’être rendu au Nigeria «sans visa» prétendument, moins d’une semaine après son éviction du gouvernement le 2 mars 2018. Outre cette peine d’emprisonnement, l’ex ministre devrait aussi s’acquitter du paiement d’une amende d’un montant de 1 million de francs. Quant au TCS, il lui a infligé une peine de 3 ans de prison ferme après l’avoir reconnu coupable de «prise d’intérêt dans un acte». L’ancien ministre était par ailleurs condamné à restituer au Trésor public 12 millions de francs indument perçus par son entreprise spécialisée dans le location des véhicules, Trinity Sarl, entre janvier et juillet 2011. Ces fonds provenaient de Camwater dont M. Atangana Kouna était DG à l’époque des faits.

 

 

 

Ref: Kalara