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Cameroun-Opinion: Analyse des grandes questions d'actualité camerounaise par le prof Eric Mathias Owona Nguini.

L’année 2017 au Cameroun a vu : la relance, par la Fifa, des questions réglementaires pour la gestion de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) avec la mise en place, au courant du second semestre, d’un nouveau Comité de normalisation ; la remise en question, par le président de la CAF, de la capacité du Cameroun à accueillir la CAN 2019 ; le déclenchement de mouvements sociaux dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et qui ont abouti à ce qu’on appelle aujourd’hui la « crise anglophone ». Et il y a d’autres actualités. Quel est l’événement qui vous a marqué durant l’année 2017 ?

De manière forte, l’évènement le plus marquant pour moi est la crise anglophone. Cette crise est une situation préoccupante, qui a des incidences sur la gestion de la sécurité nationale ainsi que de la cohésion nationale. C’est une crise qui dure, et elle est devenue d’autant plus sensible, qu’elle ne se limite plus à un mouvement de protestation civile, mais s’est transformée, au moins en partie, en un mouvement armé animé par des éléments sécessionnistes. Cela signifie qu’il s’agit d’une crise véritablement préoccupante, qui peut peser sur la cohésion sociale en fonction de la manière dont on est capable de la résoudre, ou pas !

Sur la question spécifique de la « crise anglophone », quels pourraient être les développements en 2018 selon les positions adoptées actuellement par les différents acteurs : le gouvernement qui a décidé de combattre les sécessionnistes avec l’armée, et les sécessionnistes qui se sont engagés dans des opérations de guérilla ?

La crise anglophone restera marquée principalement par un rapport de force entre le gouvernement, qui est essentiellement préoccupé de rétablir pleinement le contrôle dans les régions anglophones en y faisant valoir la sécurité, en y assurant l’ordre et en défendant l’intégrité territoriale. Du côté du mouvement social, les sécessionnistes vont essayer de poursuivre dans la logique de la contestation armée du contrôle que la République du Cameroun exerce dans cette partie de son territoire, parce que leur projet politique est d’évoluer vers la construction d’un nouvel Etat.

Les choses dépendront de la capacité du gouvernement à imposer un rapport de force militaro-sécuritaire permettant de neutraliser les velléités armées développées par les éléments sécessionnistes. Mais cette démarche militaro-sécuritaire ne sera pas suffisante. Il conviendra alors pour le gouvernement, et particulièrement pour le président de la République, de construire une démarche politique de négociation et de discussion dans un cadre qui soit consensuel. C’est là le plus difficile. Toute la complexité et la difficulté de la crise anglophone se trouvent dans le fait qu’on à faire à un dialogue de sourds.

Pour les éléments du mouvement social, particulièrement les fédéralistes, le dialogue doit s’articuler autour d’une restructuration de la forme de l’Etat, de manière à ce que l’on évolue d’un Etat unitaire décentralisé vers un Etat fédéral. Seulement, le gouvernement et ses soutiens refusent une telle évolution, considérant que les demandes d’autonomie exprimées par le mouvement social peuvent être gérées dans une mise en place renforcée et accélérée de la décentralisation. Il y a donc un dialogue de sourds qui est, en partie, à l’origine de la confrontation armée tentée par les sécessionnistes qui veulent imposer, par la force, la création de l’Etat qu’il vise : l’Etat fantasmatique de l’Ambazonia au Southern-Cameroon.

On voit à l’horizon, la tenue des élections présidentielles, sénatoriales, législatives et municipales. Le Cameroun a-t-il les moyens d’organiser tous ces scrutins la même année ?

En principe, le Cameroun a les moyens d’organiser l’ensemble des échéances électorales envisagées dans le cycle électoral 2018. Seulement, il y a des contraintes politiques qui font qu’un certain nombre de ces élections pourrait être prorogé. Au vu de la structure du système gouvernant politique et institutionnel, le scrutin le plus déterminant, c’est évidemment l’élection présidentielle. C’est donc d’abord, à la préparation de cette échéance électorale que le gouvernement et les institutions chargées des élections travailleront. Cela dit, sur le plan théorique, d’autres élections sont prévues et des ressources budgétaires ont été mises à disposition, pour que le Cameroun puisse affronter l’ensemble du cycle électoral.

Il s’agit des élections sénatoriales, législatives et municipales. Seulement, la conjoncture actuelle, marquée par la crise anglophone rend politiquement sensible la tenue de l’ensemble de ces échéances électorales. C’est pourquoi, il est plus que probable que certains de ces scrutins soient reportés de manière à ce que l’horizon politique du gouvernement soit beaucoup plus léger.

Dans l’éventualité où le Cameroun se retrouve dans l’incapacité d’organiser toutes ces élections, quels pourraient être les ajustements démocratiquement acceptables ?

C’est un scénario qui relève pour l’essentiel de la science fiction. Les élections seront effectivement organisées. Le véritable enjeu est de savoir quel sera le nombre de scrutins qui seront organisés, compte tenu du fait que sur le plan formel, le cycle électoral est un cycle plein avec plusieurs échéances électorales. Les élections seront organisées, notamment parce qu’il y a des contraintes institutionnelles, constitutionnelles et légales qui font qu’un scrutin comme celui de la présidentielle ne puisse pas faire l’objet de mesures de prorogations. On ne peut pas proroger l’élection présidentielle.

Elle doit absolument être organisée, sinon, le Cameroun entrera dans une crise générale automatique, parce que la question de la légitimité de l’institution est la clef de voûte du système institutionnel. Pour le président Paul Biya, ce serait un cadeau offert à ses concurrents politiques. Et ils n’attendent que cela. Parler d’élection c’est aussi aborder la principale élection : la présidentielle ; et les débats sur la longévité au pouvoir et l’âge du président actuel.

Selon vous, Paul Biya pourrait-il et devrait-il se représenter à un nouveau septennat ?

Si l’on s’en tient à un certain nombre de signaux politiques, notamment politico-communicationnels, il y a de fortes chances que le président Paul Biya se représente. Il est même très peu probable qu’il ne soit pas candidat. Cela dit, la politique peut toujours nous réserver des surprises. Toutefois, compte tenu de la logique de gouvernance qui a prévalu au Cameroun, le président Biya sera certainement candidat. Maintenant, la question de la longévité est une question que ses concurrents vont certainement poser. Mais il ne me semble pas que cet élément soit le plus déterminant pour des concurents intelligents.

Les conditions dans lesquelles devraient se tenir les élections me semblent beaucoup plus intéressantes, parce que ce qui est essentiel dans le jeu électoral, c’est la manière dont les règles sont définies et configurées, et la façon dont ces règles sont appliquées. Parmi les candidats déclarés à l’élection présidentielle de 2018,

voyez-vous un qui pourrait recueillir votre suffrage et qui pourrait « inquiéter » le « candidat » du RDPC, parti au pouvoir ?

En tant qu’analyste, ma préoccupation essentielle est plutôt d’essayer d’évaluer les capacités et les chances des candidats. Ce n’est pas d’exprimer une quelconque sympathie ou antipathie pour un candidat X ou Y.

Dans le domaine du sport, le gouvernement fait-il ce qu’il faut pour l’organisation sereine de la CAN 2019 ?

Le Cameroun est entré de manière très lente et lourde dans la préparation de cette CAN 2019. C’est d’ailleurs ce qui a occasionné la controverse lancée par le président de la Confédération africaine de football (CAF), Ahmad Ahmad, qui a exprimé son scepticisme sur les capacités du Cameroun en ce qui concerne l’organisation de cette CAN. Cela dit, on observe un léger frémissement notamment pour certains modules importants de cette organisation, notamment à propos de la construction des deux stades de références que sont : le stade Omnisport d’Olembé à Yaoundé et le stade de Japoma à Douala.

Les travaux ont progressé, même si les choses restent encore lentes. Par contre, il demeure de véritables sources d’inquiétude avec certains sites, notamment Garoua et Bafoussam, où il est nécessaire de renforcer les infrastructures sportives, hôtelières, routières, hospitalières, etc. On verra quelle évaluation la CAF fera à l’issue de sa première mission qui est prévue en ce mois de janvier 2018 sur l’évolution des préparatifs de l’organisation de la CAN 2019 et la capacité du Cameroun à respecter les échéances en ce qui concerne la tenue de cette compétition prestigieuse de football. En dehors des questions sécuritaires, politiques, sportives que nous avons évoquées,

y a-t-il d’autres domaines qui pourraient marquer le Cameroun en 2018 ?

Les domaines d’intérêt sont aussi fonctions de la conjoncture. Il se peut, en fonction des évènements, que certaines questions, qui, ne sont pas habituellement au premier rang, soient dignes d’attention. C’est donc la dynamique des évènements qui pourraient introduire dans l’agenda national, un certain nombre de préoccupations qui sont difficiles à prévoir pour le moment.Espérons seulement que ces évènements ne soient pas dans le registre des catastrophes ou des sinistres.

L’année 2018 commence au Cameroun avec une controverse, celle liée au don d’ordinateurs fait aux étudiants camerounais par le président de la République. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?

Il existe effectivement une controverse sur la pertinence de l’opération qui a consisté à faire produire et à distribuer ces ordinateurs aux étudiants.Il y a aussi une controverse sur le fait que cette distribution est présentée comme une dotation du président de la République. Il s’agit bien d’un don public, parce qu’il est offert sans contrepartie. Et les étudiants ont bénéficié de ces ordinateurs sans aucune contrepartie. Certains estiment qu’un don public n’est pas possible. Ils se trompent ! Parce qu’une chose concerne l’extraction fiscale et l’autre chose, c’est la manière dont les ressources sont employées. Ce ne sont pas les contribuables qui déterminent la manière dont elles sont exploitées. Cette décision incombe aux pouvoirs publics, ceci à travers les institutions législatives qui votent la loi des finances et ensuite à travers les institutions de l’exécutif, notamment le gouvernement qui met en application cette loi de finances. Ainsi, au titre de cette programmation on peut inscrire non seulement des dépenses de fonctionnement, des dépenses d’investissements et autres. Bien entendu, cela s’inscrit dans la nécessité d’avoir un équilibre entre les ressources disponibles et les dépenses qui seront effectués.

Quels sont vos vœux pour le Cameroun en 2018 ? Pour 2018,

je souhaite pour le Cameroun que les populations camerounaises aient le sens de la République et de l’intérêt général. Qu’ils ne se prêtent pas à des aventures qui pourraient compromettre durablement la sécurité et la stabilité du pays. Les Camerounais ont le droit d’avoir des opinions politiques de tout type, pour autant que ces opinions ne mettent pas en question la sécurité nationale, la stabilité nationale et la cohésion nationale.

 

Entretien realisé par le Jour