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Cameroun : Pourquoi le conflit entre Ferdinand Ngoh Ngoh et Joseph Dion Ngute s’envenime [révélations Jeune Afrique]

Le scandale lié à la gestion des fonds alloués à la lutte anti-Covid a considérablement dégradé les relations entre le secrétaire général de la présidence et le Premier ministre. Retour sur leurs différentes passes d’armes.

Début juin, Balungeli Confiance Ebune, le directeur de cabinet du Premier ministre, Joseph Dion Ngute, a été auditionné début juin par les enquêteurs du Tribunal criminel spécial, chargés de faire la lumière sur des soupçons de détournements, de surfacturations et d’autres malversations dans l’achat du matériel de protection et de dépistage anti-Covid. Le préjudice subi par l’État se chiffre à plusieurs dizaines de milliards de F CFA.

Le chef du gouvernement aurait pu connaître lui-même l’humiliation d’être auditionné. Il a en effet été cité dans un rapport de la Chambre des comptes, qui stipule qu’un seul homme d’affaires, Mohamadou Dabo, patron de Mediline Medical Cameroon et de Moda Holding, a bénéficié de marchés publics à hauteur de 94,93 % des crédits engagés. Interrogé à ce sujet, lors de son audition le 19 mai, le ministre de la Santé, Malachie Manaouda, a répondu aux enquêteurs qu’il avait agi sur ordre du Premier ministre. Il n’en fallait pas plus pour qu’au palais d’Étoudi, les détracteurs de Dion Ngute exigent que le locataire de la primature soit personnellement entendu sur ce dossier.

Opposés sur tout

Selon ses proches, ce dernier n’a fait qu’encourager le ministre de la Santé à choisir le partenaire le plus qualifié, notamment pour livrer en urgence les tests de dépistage, alors en rupture de stock. Son directeur de cabinet se serait juste chargé de formaliser par écrit cette incitation. Il s’en est d’ailleurs expliqué devant les enquêteurs.

Certes, il n’est pas question de remonter jusqu’au Premier ministre alors qu’il est encore en fonction. Mais Joseph Dion Ngute n’est pas passé loin de l’affront. Son entourage y a vu une énième manœuvre de la part de Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence (SGPR) depuis dix ans. Ce diplomate natif de la région du Centre, qui parle couramment français et anglais, bénéficie de la confiance de la Première dame, Chantal Biya, et d’une délégation de signature du président lui accordant de larges pouvoirs.

Il a cohabité sans éclats avec le placide Philémon Yang, un Premier ministre qui ne voyait alors pas d’inconvénient à abdiquer ses prérogatives au profit du Palais. Mais il en est tout autrement avec Dion Ngute. Nommé Premier ministre le 4 janvier 2019, cette étoile montante anglophone a vite pris ses marques. Fait d’un autre bois que son prédécesseur, le juriste de 67 ans n’hésite pas à croiser le fer avec le tout-puissant SGPR.

 La première poussée de fièvre a eu lieu le 13 août 2019, après que Joseph Dion Ngute a demandé aux ministres de lui proposer des noms de directeurs généraux d’entreprises et d’établissements publics afin de remplacer ceux qui étaient arrivés en fin de mandat. Réaction cinglante de Ngoh Ngoh auprès du secrétaire général de la primature : « J’ai l’honneur de vous faire connaître que le chef de l’État demande au Premier ministre, chef du gouvernement, de bien vouloir rappeler aux chefs des départements ministériels assurant la tutelle technique des entreprises et établissements publics, que le pouvoir de nomination des organes sociaux desdites structures relève de la compétence exclusive du président de la République », leur a-t-il fait écrit. « A cet égard, il voudra bien leur faire savoir qu’en attendant ces très hautes décisions du chef de l’Etat, les responsables en poste devront continuer à exercer normalement leurs fonctions », a-t-il poursuivi.

La deuxième escarmouche est survenue autour de l’organisation du Grand dialogue national sur la crise anglophone. Les deux hommes se sont opposés sur tout, ou presque. Tandis que Ngoh Ngoh voulait tout calibrer et contrôler, Dion Ngute souhaitait que ces discussions soient ouvertes et inclusives. Sur le terrain, pendant que le SGPR cornaquait une initiative helvétique de médiation, Dion Ngute supervisait des discussions directes avec les chefs sécessionnistes entreprises par le patron des services spéciaux, Léopold Maxime Eko Eko. C’est finalement le Premier ministre qui a désamorcé la colère des religieux en zone anglophone, dépité par le traitement dédaigneux réservé par Etoudi aux initiatives de paix du cardinal Christian Wiyghan Tumi.

Proche de Paul Piya

Cet activisme de la primature agace au plus haut point le SGPR, qui y voit une diarchie néfaste à la tête de l’exécutif. Mais Ngoh Ngoh ne peut pas trop attaquer ouvertement ce Premier ministre, qui s’entretient très régulièrement avec le président Paul Biya en tête-à-tête, alors que ce dernier reçoit peu de personnes en audience.

Enfin, la rivalité entre les deux hommes s’est accentuée quand Dion Ngute – qui s’est rendu mi-mai au Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) – a soigné ses relations avec les patrons issus du secteur privé, où Ngoh Ngoh compte peu d’amis. Sans doute ces frictions produiront-elles des étincelles, à moins qu’un remaniement gouvernemental mette fin à ce duel au sommet.

 

 

Jeune Afrique