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Cameroun-Procès des anglophones: éclats de voix au Tribunal militaire de Yaoundé

La tension était à son paroxysme mardi dans la salle d’audience de cette juridiction. Enervés après une journée d’attente, Mancho Bibixy et ses six co-accusés ont apostrophé la juge Abega. Elle a interdit à l’un des inculpés de se représenter devant sa cour.

L’audience de Mancho Bibixy et six autres manifestants anglophones jugés pour terrorisme était on ne peut plus mouvementée mardi, 08 mai 2018. Et pour cause, la longue attente sur les bancs du Tribunal ont fini par avoir raison des inculpés qui ont avancé quelques paroles désobligeantes à la juge Abega.

Mancho Bibixy, Tsi Conrad, Tamngwa Malvin Tamngwa, Tha Emile Agwe, Aselecha Martin, Valentine Guingah et Awah Dzenyagha Junior, sont arrivés mardi au Tribunal militaire de Yaoundé aux environs de 9h du matin. Ils ont assisté toute la journée à une série de procès portant sur des braquages armés, assassinats, terrorisme en complicité avec Boko Haram… Tous, dans le cadre d’audiences tenues en date irrégulière.

A 17h, la juge suspend l’audience et annonce que l’ouverture du procès de Mancho et co-accusés s’ouvre dans quinze minutes. Plus d’une heure trente minutes plus tard, rien n’a commencé. La juge Abega Mbezoa s’est retirée dans son bureau avec ses deux assesseurs. Le commissaire du gouvernement fait de brèves apparitions dans la cour avant de disparaître à nouveau. Les inculpés, eux, sont toujours assis dans la salle à attendre sans que personne ne leur dise rien.

Partout, des membres de familles, des journalistes et des membres d’Ong s’impatientent. Ils ont passé toute la journée sur place. Certains ont pris des pauses pour aller manger et sont revenus. D’autres sont tout simplement restés là, peut-être par peur de manquer quelques faits importants. Cela a aussi été l’occasion pour des proches de bavarder avec leurs parents extraits de prison.

 Il est 18h53 lorsque la juge Abega Mbezoa s’installe dans son siège et ouvre le procès. Quelques murmures sont audibles. Elle s’arrête et demande la raison de ce « chahut » parmi les détenus. Awah Dzenyagha Junior, l’un des inculpés, la tance. Il argue que c’est ainsi que pour une raison ou une autre, on leur ajoute chaque jour de nouvelles charges sans justificatifs ni preuves. Il dit à la magistrate qu’il espère que cette scène ne va pas aboutir à de nouvelles charges.

Vexée par ces paroles, la juge Abega Mbezoa demande aux gardiens de prison de faire immédiatement sortir Awah Dzenyagha Junior. Ce qui est fait. Le concerné est menotté et conduit au véhicule de la prison.

Awah Dzenyagha Junior est un journaliste. Il avait été arrêté à la Commercial avenue de Bamenda le 08 décembre 2016, jour du meeting raté du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). Il est déraisonnable de temps en temps. Cela vient du choc qu’il a reçu, il y a quelques années, à la tête après un accident. Il a été opéré plusieurs fois pour son problème et doit subir une nouvelle intervention chirurgicale. Cela devra cependant attendre la fin de la procédure pendante. En attendant, il doit rester en prison malgré qu’il ait mainte fois plaidé que la Cour lui permette d’aller recevoir ses soins.

Awah Dzenyagha a toujours eu des accès de colère au fil des audiences passées. Tantôt il s’en prend au commissaire du gouvernement à qui il a dit un jour : « Je vais raconter tout ce que tu faisais quand tu étais procureur à Bamenda», puis une autre fois : « Tu avais toujours été bon pour moi à Bamenda, ce n’est pas ici que ça va changer ». Ou alors celui qui est connu sous le pseudonyme de Thomas Sankara gronde toute la foule. Parfois, il reste taiseux, se contentant de regarder les gens de travers. Seule sa toux grasse qui perdure fait savoir qu’il est là. Il arrive souvent, dans ces moments-là, que des gens expriment leur étonnement sur son comportement. Des regards se tournent alors vers le groupe et on l’aperçoit bien calme à sa place. Il a maigri. Il semble de plus en plus affaibli.

Awah Dzenyagha est déjà installé dans la voiture et tous ses six compagnons décident de sortir à leur tour. Ils sont à la porte quand le commissaire du gouvernement Engono Thadée bondit de son siège et leur barre la voix. Il appelle des militaires présents dans le camp. Pour la première fois, la juge s’adresse à eux en grondant. Elle prend cet acte pour la rébellion et met quiconque au défi de franchir la porte. Les soldats sont armés.

Finalement, Mancho Bibxy et ses compagnons regagnent leurs places. Leur avocat, Me Assira, argue que cette longue attente et la réaction du commissaire du gouvernement constituent un manque de respect des droits des prisonniers. Les avocats ne peuvent pas plaider dans ces conditions. La juge décide que cela doit se faire. Me Emmanuel Simh, un autre membre du conseil de la défense, tente de calmer les esprits en expliquant les raisons pour lesquelles ils ne peuvent pas plaider ce mardi. L’absence du bâtonnier Bernard Muna pour cause de maladie, le refus de la partie civile de mettre une copie de leur note de plaidoirie à leur disposition, ainsi que leur manque de préparation du fait de n’avoir été notifié que lundi des charges pour lesquelles leurs clients ont été reconnus coupables, en sont les raisons.

 L’audience de mardi était consacrée à la plaidoirie de la défense sur les circonstances atténuantes. Cela devait faire suite à la reconnaissance – le 25 avril – de la culpabilité des accusés sur les motifs de terrorisme, hostilité contre la patrie, sécession, révolution, propagation de fausses nouvelles, rébellion, défaut de présentation de la Carte nationale d’identité, outrage à corps constitués et aux fonctionnaires de l’Etat, pillage en bande. Le conseil de la défense a tenté de faire reporter le procès. Les quelques cinq avocats présents hier (sur la dizaine qui le constitue habituellement) sont allés en toucher deux mots à la juge. Celle-ci leur a demandé de présenter leur demande pendant l’audience. Le principe du contradictoire oblige.

L’idée d’une plaidoirie sur les circonstances atténuantes pour les accusés ne plait guère au ministère public. On y évoque la largesse du tribunal qui ne voudrait pas laisser croire que les demandes de la défense ne sont pas prises en compte. Le procès est suivi de près par des journalistes nationaux et internationaux ainsi que par des pays partenaires du Cameroun et des organisations de défense des droits de l’Homme. En principe, explique-t-on, au ministère public, il ne devrait plus avoir de plaidoiries, les accusés ayant refusé de s’exprimer dans une procédure d’interrogatoire et contre interrogatoire.

 La juge Abega Mbezoa a décidé d'un renvoi ferme du pocès au 24 mai. Si la défense ne présent pas ses plaidoiries à cette date, elle prononcera les sentances.

 

 

 

Journalducameroun.com