×

Veuillez désactiver le bloqueur de publicité SVP!

Vous n'aimez pas la publicité dans les pages, nous le comprenons bien! Par contre, un site d'information sans pubicité ne pourra pas survivre sans revenu publicitaire.

Cameroun : Un chef traditionnel humilié par des villageois dans le Haut Nkam

Pour une vieille histoire d’appellation querellée, des ressortissants du village Batcho ont infligé des traitements dégradants au chef supérieur Banka, un groupement de premier degré dans l’Arrondissement du même nom.

Grande humiliation pour l’institution traditionnelle. Dans des vidéos en circulation, l’on voit des individus dans la pénombre, jeunes et moins, ligoter un homme qu’ils mettent de force dans un véhicule. La tension est perceptible dans les propos qui sont tenus. La scène se passe dans la cour de la chefferie Batcho, une sous-chefferie du groupement Banka ou plutôt la chefferie de troisième degré de Batcho, selon la nomenclature officielle. Tout le monde s’accorde sur le fait que Sa Majesté P. Arnauld Monkam Toukam a été arrêté le soir du 12 mai 2022 au Lycée technique de Batcho, alors qu’en compagnie de notables, ils effaçaient le préfixe « Ba » sur une plaque de l’établissement. Comme sur d’autres plaques de structures publiques avant. Dans la version des faits qu’il a rendue publique le lendemain, le chef Banka affirme plutôt qu’il s’y était rendu à 18h30, pour visiter une route. Un communiqué du même chef a ébranlé le microcosme politique local auparavant, lorsqu’il invitait les populations des localités de Badoumven, Bakoye, Bakovu et Bachoudji (Doumven, Koye, Kovu et Choudji selon son appellation voulue) à boycotter une activité organisée par le jeune maire de la Commune de Banka, au motif qu’il n’avait pas notifié le palais.

Là, ils ont été pris pour des vandales. Traités comme tels. « Sur le chemin, les deux dignitaires avaient sollicité un transit par Dacktcho pour me montrer la plaque. Ces deux dignitaires en question, comme d’autres, avaient déjà des antécédents avec le sous-chef Tcho. Sur place, nous avons constaté que la note du 08 octobre 2010, signée par le Roi Monkam Tientcheu David n’était pas respectée. Le dignitaire Nzemefu Tiedeu s’est dirigé vers la plaque pour effacer le terme Ba-, conformément à cette note du 8 octobre 2010. C’est suite à cela que certains malfaiteurs ont sévèrement brutalisé ce notable. Sur le choc, je suis sorti de la voiture pour intervenir. Ces derniers ont cassé le phare gauche de la voiture ainsi que le capot.

L’autre dignitaire, le nommé Nze Mouandeu, qui conduisait avait été brutalisé, mais ce dernier a réussi à fuir seul avec la voiture, me laissant sur place. Je précise que la note du 8 octobre 2010 avait été signée suite aux troubles orchestrés par le même sous-chef Tcho », écrit-il. C’est lui qui aurait demandé à ses agresseurs de le conduire chez le chef Batcho. « Grande était ma surprise de l’entendre dire ‘’enchainez-le’’ (à leur vue, ndlr). C’est suite à cela qu’on m’a renversé, ils m’ont décoiffé, ils ont pris mon blouson, et j’ai laissé derrière un pied de chaussure. Mes deux bras étaient enchaînés par derrière avec mes deux pieds. Le sous-chef Tcho a demandé qu’on me mette dans sa voiture pour le commissariat », narre le chef supérieur.

Querelle de leadership

Le Chef Batcho nie avoir ordonné les sévices. « Il était 20h, j’étais déjà allongé quand un groupe de jeunes m’annonce la présence du chef Banka dans la cour de la chefferie. Il déclare l’avoir trouvé au goudron en compagnie de deux personnes en train de noircir les plaques des écoles publiques ici à Batcho. Je suis aussitôt sorti d’ailleurs en babouches, je l’ai identifié et j’ai demandé que l’on ne le brutalise pas, le temps que je me chausse. Quand je reviens je le trouve étendu à même le sol, j’entends des voix qui s’élèvent, des menaces verbales. Tout ce qui me revient en tête et spontanément à ce moment c’est de le sortir de ce danger et de le conduire en lieu sûr. Je me suis dit qu’en le conduisant à la chefferie Banka il pourrait avoir des affrontements entre les deux parties.

C’est pour cela que cette idée me vient bizarrement de le conduire vers les autorités puisque j’estimais que nous y serons en sécurité et pourrons discuter », a-t-il également rapporté. « Dans la confusion totale, j’ignore honnêtement à quel moment et qui aurait attaché ses mains tant les gens étaient nombreux et la luminosité n’était pas bonne. Contrairement à ce qu’il déclare, j’ignore qui a balancé ces vidéos dans les réseaux sociaux » se défend le chef Nkakam. Invité par le sous-préfet à venir pour des auditions, ce dernier a été retenu à la brigade de gendarmerie de Banka depuis vendredi et des partisans du chef supérieur ont assiégé les lieux samedi, prêts à lui infliger « le même traitement qu’à leur roi ». Sans aucun mandat, dit-il. « Je dis et je répète que je n’ai pas ordonné que l’on attache les bras du chef Banka, sûrement un acte isolé; je le regrette énormément, je ne saurai être à l’origine d’un tel acte », confesse le chef Batcho.

Cet épisode cache un malaise profond. Et surtout une guerre de leadership entre les chefferies supérieures de Banka et Bafang, ensuite entre la chefferie supérieure Banka et ses anciennes sous-chefferies dont quelques-unes, du fait du rayonnement de leurs actuels occupants, manifestent des velléités d’émancipation. De son vivant, David Monkam Tientcheu, père de l’actuel chef, voulait absolument voir le nom Banka figurer sur les plaques des institutions publiques et même privées situées sur son territoire. Bien plus, le préfixe Ba-, que l’administration publique a adjoint aux noms de certains de ses quartiers comme les arrêtés de reconnaissance de certaines chefferies de troisième degré, sonnait mal dans sa tête.

Tant et si bien qu’il avait pris en octobre 2010 un acte assorti de menaces, pour interdire l’utilisation de ces nouvelles appellations. Il faut également dire qu’une bonne partie de la ville de Bafang occupe des quartiers du groupement Banka. Seule l’Eglise catholique a consenti à ce genre de baptême (écrivant Banka-Bafang), les établissements publics comme le Lycée classique de Bafang, le Lycée technique, l’Enieg, l’Ecole technique d’Agriculture … attendant l’ordre de leurs créateurs pour changer de nom. Même la création de l’arrondissement de Banka n’a pas résolu ce problème. Son père envoyait des émissaires vers les gestionnaires de structures plaider cette transformation qu’il souhaitait de tous ses vœux ; le fils a choisi de descendre sur le terrain appliquer lui-même ses décisions même si elles heurtent la loi.

 

 

Le Jour