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Cameroun : Voici comment Amougou Belinga a obtenu la tête d’un chef de centre des impôts

L’un des huit fonctionnaires des impôts inculpés des faits supposés d’extorsion de fonds et de corruption suite à une plainte du patron du Groupe l’Anecdote a été placé sous mandat de dépôt en fin de semaine dernière. Les circonstances d’une interpellation surprises aux allures de chantage.

Dans la bataille que le patron du Groupe l’Anecdote a décidé de livrer à l’administration fiscale depuis quelques semaines, ce dernier a engrangé une petite victoire psychologique en fin de semaine dernière. Six jours pratiquement après les instructions écrites données par le ministre des Finances (MINFI) pour suspendre le blocage des comptes bancaires de l’homme d’affaires en lui accordant un improbable sursis de paiement des arriérés que lui réclame le fisc, M. Amougou Belinga a obtenu la mise en détention provisoire du chef du Centre régional des impôts pour le Centre 1 (Cric 1). Mme Mvogo Emelyne épouse Biyina, inspecteur des impôts, puisqu’il s’agit d’elle, a été placée sous mandat de dépôt à la prison centrale de Yaoundé – Kondengui dans l’après-midi du jeudi, 19 mai 2022. C’est une situation qui a jeté un coup de froid sur l’ensemble des personnels de la Direction générale des impôts (DGI) de par son côté inédit.

Mme Mvogo Emelyne épouse Biyina fait partie d’un groupe de huit (8) fonctionnaires des impôts poursuivis par M. Amougou Belinga devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif (CA). Alléguant des faits de tentative d’extorsion de fonds, de chantage, d’abus de fonction, de corruption et de concussion dont il prétend avoir été victime lors d’un contrôle de l’administration fiscale dans ses entreprises, le patron du Groupe l’Anecdote avait déposé une plainte avec constitution de partie civile contre ces fonctionnaires auprès de la juridiction.

Ces derniers avaient tous été inculpés et laissés en liberté à la suite de leur premier rendez-vous avec le juge d’instruction le 19 avril 2022. C’est un statut qu’ils ont conservé suite à leurs auditions respectives les 8 et 9 mai dernier par le juge d’instruction. Mais la donne a inattendument changé pour le chef du Cric 1, jeudi dernier, après la confrontation entre l’inculpée et le plaignant au cabinet du juge d’instruction.

Que s’est-il passé de nouveau pour que le juge d’instruction décide finalement de restreindre la liberté de Mme Mvogo lors du dernier jour ouvrable de la semaine dernière, en la faisant incarcérer dans le pénitencier de Yaoundé-Kondengui ? Nul ne le sait avec précision, en dehors de la juge en question, Mme Aïssatou Amadou, et peut-être du procureur de la République. Ce qui est certain, d’après les informations de Kalara, c’est qu’après leurs auditions respectives les 8 et 9 mai, les fonctionnaires du fisc avaient affiché leur sérénité à leur sortie du cabinet du juge d’instruction. Aux dires de certains de leurs proches,  les mis en cause jugeaient qu’aucun fait concret ne leur avait été opposé au cours de leurs auditions respectives de façon à les inquiéter. Les prétendues images (vidéo) annoncées par une presse proche du PDG de Vision 4 comme supports des actes de corruption allégués par M. Amougou Belinga étaient restées imaginaires.

Coup d’accélérateur

Amougou Belinga s’est-il montré plus concret la semaine dernière dans ses accusations devant le juge d’instruction au moment de la confrontation ? C’est ce que laisse supposer la décision de faire incarcérer le chef du Cric 1. Et pourtant, des sources proches de l’enquête continuent de clamer que «le dossier est vide». Une source très introduite dans le milieu judiciaire considère que la mise aux arrêts de Mme Mvogo Emelyne «participe d’une mise en scène» concoctée pour «sauver la face de l’homme d’affaires qui est en grande difficulté avec l’administration fiscale, en humiliant un responsable de la DGI».

Cet interlocuteur de Kalara en veut pour preuve le scenario de l’interpellation du chef du Cric 1. «Tout a été fait pour qu’elle reste le plus longtemps possible en prison même si le dossier évolue autrement après. Cela permet d’entretenir l’image de terreur dont jouit M. Amougou Belinga auprès des juridictions de Yaoundé», dit la source de Kalara.

La convocation de Mme Mvogo Emelyne pour son dernier rendez-vous le 19 mai 2022 avec le juge d’instruction lui est parvenue la veille dans l’après-midi, presque dix jours après la série des auditions des huit inculpés de l’affaire les 8 et 9 mai. Le chef du Cric 1 a été convoquée toute seule pour la confrontation, alors que la plainte de M. Amougou Belinga avait distinctement ciblé toutes les personnes mises en cause. C’est une précaution qui aurait facilité les choses, selon divers observateurs, en permettant au juge d’instruction de poser rapidement son acte pour éviter toute intervention efficace en faveur de l’inspecteur des impôts. L’idée d’une interpellation arbitraire ne rode pas bien loin. Et pour l’instant, les sources de Kalara ignorent si les 7 autres fonctionnaires inculpés dans cette affaire sont aussi convoqués pour une éventuelle confrontation avec le plaignant.

«Devant le juge correctionnel (le TPI), explique une source sous anonymat, sauf en cas de flagrant délit, le principe, c’est la poursuite libre. Le juge d’instruction avait la possibilité de demander que  le chef du Cric 1 présente des garants ou paye une caution pour assurer sa représentation future en justice, s’il en doute. Rien de tout ça n’a été fait. Ils étaient pressés de l’envoyer en prison en sachant que trois jours non-ouvrables arrivent successivement et qu’il est légalement impossible dans ces conditions d’obtenir une remise en liberté. Les choses sont allées très vite pour cela. Pendant ce long week-end, certains médias vont faire du bruit et saper le moral non seulement des autres inculpés, mais aussi des autres responsables des impôts qui se disent, dès lors, devant la tournure des choses, que tout peut leur arriver et se mettre à paniquer. Ils ont parfaitement réussi ce montage qui est bien connu dans les milieux judiciaires.»

Le cas Ernest Obama…

Ces explications de la source paraissent d’autant pertinentes que l’adversaire des fonctionnaires du fisc devant le TPI de Yaoundé CA a une carte de visite bien connue dans les milieux judiciaires. Ainsi que Kalara le rappelait dans son édition N° 424, depuis un peu plus d’une décennie, cet intime du ministre de la Justice obtient quasiment tout ce qu’il désire de la presque-totalité des juridictions de Yaoundé, parfois même au mépris de la décence. Il jouit pratiquement d’un service judiciaire à ses ordres dans les TPI de Yaoundé (CA et Ekounou), à la Cour d’appel où il a même parfois publié des communiqués donnant des instructions à certains responsables, mais aussi devant le TCS (où les volets du dossier Campost avaient été suspendus pour ce qui le concerne). Certains de ses partenaires en affaires et ses collaborateurs ont régulièrement subi ses foudres via la justice. Seule exception à la règle jusqu’ici, le cas de son ancien collaborateur Ernest Obama qui lui était revenu sur le visage, en dépit d’une interpellation rocambolesque devant les caméras…

Rappelons que les déboires de Mme Mvogo et des sept autres fonctionnaires du fisc naissent de l’offensive que la Direction générale des impôts a lancée depuis la fin de l’année dernière contre 69 entreprises suspectées d’évasion fiscale, dont 12 appartenant à M. Amougou Belinga avec des flux financiers globaux de 90 milliards de francs retracés par l’Anif, l’Agence d’investigations financières dont le rapport est à l’origine du déploiement du fisc.

Un premier contrôle effectué sous la coordination du Centre régional des impôts du Centre 2 (Cric 2) sur son territoire de compétence avait abouti à un redressement fiscal de 17,8 milliards de francs (en principal et en pénalités) non contesté par l’homme d’affaires. Un autre contrôle de comptabilité effectué celui-là par le Cric 1 était en passe de s’achever lorsque l’homme d’affaires s’était rebellé, refusant de prendre part, selon des sources dignes de foi, à une séance de travail de clôture du contrôle fiscal dans les locaux de l’administration. Mais, du fait de l’intervention d’un responsable du cabinet du MINFI, cette séance de clôture s’était finalement déroulée dans les locaux de Vision 4.

Le Cric 1 avait notifié à l’occasion un redressement fiscal d’un peu moins de 12 milliards de francs à son tour et un procès-verbal de la rencontre avait été dressé. Lorsque le Cric 1 a décidé d’entrer en recouvrement forcé des impôts constatés, M. Amougou Belinga a riposté en déposant sa plainte au TPI de Yaoundé CA. A peine les toutes premières convocations adressées aux suspects par le juge ayant hérité de la plainte avaient-elles été signées qu’une vigoureuse campagne médiatique avait été lancées avec des aires de chantage sur les mis en cause.

Le public apprenait alors que les fonctionnaires du fisc, sous la conduite de Mme Mvogo, s’étaient rendus à la demande du DG des impôts lui-même dans les bureaux de l’homme d’affaires pour lui exiger une enveloppe 500 millions de francs faute de quoi le fisc allait sévir contre lui. Et l’homme d’affaires, selon la presse acquise à sa cause, disait avoir remis une enveloppe de 50 millions de francs aux hommes du fisc en prenant soin de fixer les images de la transaction alléguée. D’où la plainte pendante devant le TPI de Yaoundé CA…

La suite de l’affaire…

Ainsi, outre Mme Mvogo, tous les autres fonctionnaires seulement suspectés d’être intervenus dans ce redressement fiscal ont été ciblés par la plainte de l’homme d’affaires. C’est le cas de M. Odi Joseph, chef de la division des enquêtes, de la programmation et du suivi du contrôle fiscal à la DGI, qui a autorisé les deux contrôles, de M. Amadou, chef de la division du contentieux à la DGI ; de M. Amia Mounamba Gérard, chef de la cellule du contentieux du Cric 1 ; de M. Languel Ildevert et de Mohamadou Tidiani, tous les deux inspecteurs vérificateurs au Centre spécialisé des impôts des professions libérales et de l’immobilier de Yaoundé (Csipli), les limiers descendus sur le terrain ; de Mme Dai-Awe épouse Tabouli, chef du Csipli ; et de Mme Ngono Marguerité Edvige, chef vérificateur au Csipli. M. Odi Joseph et M. Amadou ont la particularité de ne s’être jamais retrouvés dans les bureaux de Vision 4, parce qu’en fonction dans les services centraux du fisc… Leur crime est, pour le premier, d’avoir programmé les contrôles, et le second, d’avoir refusé de faire exécuter un abattement fiscal de 70% ordonné par le MINFI en faveur de M. Amougou Belinga sur le redressement fiscal de 17,8 milliards de francs.

Que va-t-il se passer désormais du fait de l’interpellation de Mme Mvogo la semaine dernière ? Nul ne peut le dire. Sur des dossiers quelque peu similaires concernant notamment des fonctionnaires de la douane en bisbille avec la justice à Douala sur une affaire présumée de trafic d’or, le MINFI avait fortement soutenu et obtenu la remise en liberté d’office de ses collaborateurs en intimant qu’ils présentaient des garanties de représentation. Il est attendu que le MINFI fasse le même lobbying pour le chef du Cric 1, même s’il est désormais de notoriété publique qu’il est plutôt sensible aux intérêts de l’homme d’affaires.

Il n’est pas exclu, dans cette circonstance que Mme Mvogo retrouve rapidement son poste de travail et sa famille en attendant la clôture de l’enquête judiciaire. Du côté du fisc, dans le même temps, il est peu probable que la procédure judiciaire de M. Amougou Belinga lui attire une quelconque souplesse dans le recouvrement des arriérés fiscaux déjà constatés. D’autres futurs rebondissements ne sont pas exclus.

 

 

Kalara