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Complexe d’Olmebé : Cafouillage sur le chantier

La construction d’un stade aux normes olympiques dans la capitale camerounaise, initiée pour abriter une Can achevée il y a deux ans, continue à donner des cauchemars au gouvernement de Yaoundé. Entre menaces d’abandon et surfacturations, les travaux piétinent, le flou persiste et la facture gonfle.

La construction d’un complexe sportif à Olembé dans la capitale camerounaise, entamée ne serait-ce qu’en idée depuis 2010, continue 13 ans après à exposer à quel point le pays est fragile pour ce qui est de la conduite des grands projets. Dans ce projet, l’Etat du Cameroun a déjà subi deux fois l’humiliation d’une menace d’être trainé devant des juridictions internationales, pour non-respect des engagements ou résiliation abusive de contrat. Le 29 novembre 2019, l’entreprise italienne Gruppo Piccini est notifiée de la décision portant résiliation du marché de construction du complexe sportif d’Olembé. Elle donne un ultimatum à l’Etat Camerounais demandant l’annulation de cette décision dans les 72h, auquel cas elle fera valoir ses droits sur la plan national et international. L’affaire avait finalement connu un arrangement, sans que l’opinion ne soit informée des dessous de la table. En réalité, 7 jours plus tôt, le 22 novembre 2019, le marché avait attribué à l’entreprise canadienne Magil, avec une rallonge budgétaire de 54 milliards 822 millions de francs cfa. Mais le nouveau deal ne va pas réserver au Complexe un sort plus heureux.

En janvier 2023, comme un ballon en excès d’air, l’affaire explose encore sur la face du gouvernement, et l’opinion découvre à travers une guerre par correspondances interposées que le malaise couve toujours, et est même plus profond, faisant éloigner le spectre des finitions de ce Complexe. En mettant ensemble les correspondances rendues publiques et celles qui ne l’ont pas été, mais auxquelles allusion est faite dans d’autres, on peut ainsi résumer la situation. Le 5 décembre 2022, l’entreprise Magil met en demeure l’Etat du Cameroun, à travers le ministère des Sports et de l’éducation physique, de régulariser ses obligations sous 30 jours pour éviter la résiliation du contrat. Elle affirme qu’elle n’a plus été payée depuis juillet 2021 et le ministre des Sports est resté sourd à ses relances.  

En réaction à cette mise en demeure, le ministre des Sports envoie une correspondance au Premier ministère, pour dire en gros que Magil a déjà encaissé près de 48 milliards sur les 54 prévus et n’a réalisé que 1,3% des travaux, c’est-à-dire presque rien. Maguil est alors accusé de vouloir spolier l’Etat. Mais elle ne croise pas les bras, et saisi le même destinataire par correspondance du 11 janvier 2023 pour réitérer sa demande, tout en dénonçant la mauvaise foi des représentants du ministère des Sports du Cameroun qui ont régulièrement « brillé par leur absence » lors de réunions sur les comptes payables pour le projet d’Olembé. Selon lui, ils ont omis de s’y présenter parce que « Magil a toujours refusé d’allouer, sur demandes de ces représentants, des indemnités de présence ou tout autre avantage, au rang desquels nous pouvons évoquer les demandes d’acquisition de véhicules ». Pendant quelques jours la guerre est acerbe dans les médias, jusqu’à ce que le ministre des Sports annonce le 13 janvier 2023 que Magil va reprendre les travaux, après une rencontre entre les deux parties et une visite de site.

Complexe sportif d’Olembé, serpent de mer

Qu’est ce qui a motivé les différents courriers estampillés « urgent » du Secrétaire général à la présidence de la république, adressés au directeur général de la Caisse autonome d’amortissement ordonnant le paiement des acomptes ?

Mafia éventré?

Que s’est-il passé pour que Magil accepte de reprendre les travaux ; alors qu’aucun sous n’a été débloqué ? Pour mieux le comprendre, il suffit de décrypter les non-dits des différentes correspondances. Le ministre des Sports  accuse Magil de vouloir spolier l’Etat, pour avoir pris trop d’argent sans faire avancer les travaux sur le terrain. Question, sur quelle base cet argent lui était-il avancé, quand on sait que les décomptes sont payés au fur et à mesure que l’exécution des travaux avance ? Qu’est ce qui a motivé les différents courriers estampillés « urgent » du Secrétaire général à la présidence de la république, adressés au directeur général de la Caisse autonome d’amortissement ordonnant le paiement des acomptes ? Ces correspondances présentent d’ailleurs quelques curiosités : le 29 octobre 2021 par exemple, le Sg Pr a signé 6 correspondances dans ce sens, pour un montant total de 2 milliards 156 millions de francs cfa. On peut comprendre que le prétexte de l’urgence était évoqué pour faire vite, mais le nombre de correspondances ordonnant les décaissements en un seul jour pour le même entrepreneur peut laisser songeur. Toujours au sujet de ces paiements, Magil déclare dans sa correspondance n’avoir plus perçu un franc depuis juillet 2021, pourtant l’une des correspondances du Secrétaire général de la présidence ordonnant les paiements à son profit date du 13 septembre 2021 et porte sur un montant de 21 milliards 928 millions, et une autre du 5 novembre 2021 porte sur le montant de 1 milliard 72 millions. Qui dit la vérité ?

Décaissement ?  

En plus, signer les ordres de paiement veut-il dire que l’argent a effectivement été payé, et si oui, n’aurait-il pas subi des coupes en amont pour les avantages que dénonce Magil ? Dans des scénarii de film, on a souvent vu des partenaires entrer en conflit pour le partage des gains. On voit par exemple des situations où un entrepreneur, n’en pouvant plus de payer des fortes rétro-commissions à tous les niveaux, suffoque à un moment, redevable à ses sous-traitants, faisant face à des mouvements d’humeur et devant les travaux qui n’avancent pas. À bout de souffle, il lâche tout, fait fuiter quelques informations, procède par chantage et menace de tout abandonner. En face, le partenaire exige que ses engagements soient tenus, aussi bien au niveau des commissions à verser que de l’avancement des travaux, car dans le milieu, le business c’est le business. Les deux complices finissent par s’entendre, se rendant compte que le bruit attire déjà beaucoup de curieux, et dans le milieu il n’est pas bon d’être éclaboussé. Et on se remet au travail pour laisser passer la tempête. Et si Magil et le ministère des Sports étaient en train de servir un film au Camerounais ! Toujours est-il que le Complexe sportif d’Olembe porte plus que jamais bien son nom, il est complexe. Et plus il l’est, plus lourde est la facture que paie le contribuable.

 

Roland Tsapi, editorialiste radio Balafon