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«Pas facile d'être son homonyme», un footballeur camerounais qui porte le nom Leonel Messi raconte ses mésaventures

Parfait homonyme du Ballon d'Or 2021, Lionel Messi, ce Camerounais qui évolue au Toulouse Rodéo, raconte sa vie de « double », bien loin de celle de l'original.

En boîte de nuit, Lionel Messi brille. Sur la piste du Wall, la discothèque incontournable de Muret, à vingt kilomètres au sud de Toulouse, la musique s'interrompt quand le DJ hurle son nom. « Oui, la star camerounaise est là avec nous ce soir ! » Stupeur et circonspection. Comme d'habitude, personne ne comprend. Le spot tourne sur lui-même, perce l'obscurité, puis illumine un visage. La foule le fixe. Gêné, Lionel Messi sourit timidement et accueille avec retenue ce fugace et improbable instant de célébrité.

À 26 ans, le joueur du Toulouse Rodéo (Régionaux 1, Sixième Division) a fini par s'habituer à son statut de figure locale lié à une homonymie pas banale. Mais véridique. Et plutôt répandue au centre du Cameroun. Lui a hérité du grand-père maternel ce patronyme forcément encombrant. « J'ai essayé d'en jouer auprès des filles, mais on m'a pris pour quelqu'un de prétentieux, ça ne marche vraiment pas », avoue celui que tout le monde - sauf sa mère - appelle Leo.

« Tu mens... C'est pas possible »

Les réponses aux médias se raréfient également. Il nous aura d'ailleurs fallu du temps et de la persévérance pour débusquer l'intéressé. « Maintenant, j'en rigole uniquement avec mes amis. Quand je fais une belle passe à l'entraînement, j'interpelle un coéquipier : "T'as vu ce que je viens de faire ? Je ne suis pas comme vous, je sors de la Masia (NDLR : le centre de formation du FC Barcelone)." »

À croire qu'il le fait exprès, car le Camerounais a bien été formé en Catalogne, de 2006 à 2007, à la Fondation Marcet, une académie établie au pied du Camp Nou. Suivi par l'Espanyol Barcelone, le Camerounais a finalement rejoint sa mère à Toulouse au moment où un autre Messi explosait sous le maillot du Barça. « Au collège, on venait me voir à la récré : "Tu t'appelles vraiment Lionel Messi ? Tu mens... C'est pas possible, t'as changé ton nom !" J'étais obligé de le leur prouver en leur montrant ma carte d'identité. » Un coup d'œil suffit : il est bien écrit Lionel Messi Nyamsi.

Lassé, Messi a pris parfois des paris. « Je leur rendais leur monnaie après, tout de même. Aujourd'hui, j'ai arrêté tout ça, mais pas mes amis qui, eux, continuent. On arrive quelque part, ils disent aux gens : "Tu sais que mon pote c'est Lionel Messi ? On parie 20 euros ?" Je sors encore ma carte d'identité et mes amis gagnent un billet. »

Les copains profiteurs ne s'arrêtent pas là. « Un pote, qui n'avait pas changé sa carte grise, a été arrêté par la police qui en a profité pour contrôler nos identités. Les agents ont été tellement surpris en voyant la mienne qu'ils ont rigolé avec nous et nous ont laissé repartir sans nous infliger la moindre amende. »

Très tôt, le joueur a dû gérer cet étonnement. À 17 ans, après avoir passé des tests à Angers, il a appris son transfert au SCO en se rendant au lycée. « Dans le bus, à Toulouse, les gens lisaient La Dépêche du Midi. On me regardait bizarrement. J'ai réalisé que mon visage figurait à la une, avec le titre : "Lionel Messi signe au SCO." » Le club angevin a même relayé la nouvelle sur Facebook. Aussitôt, les commentaires moqueurs se sont multipliés. Une pression est née.

« J'ai fait de la restauration, des ménages... »

Lionel Messi Nyamsi

Bientôt, les terrains annexes seront bondés pour les matches des moins de 19 ans. Les curieux veulent savoir si Messi joue comme Messi. La réponse est évidente. L'un mesure 1,85 m et joue défenseur central, l'autre 1,69 m et crée le jeu. Surtout, « le génie de Barcelone parle un autre football » comme le reconnaît son homonyme.

Approché par les Lions indomptables

En dépit des critiques, le défenseur s'impose chez les jeunes du Maine-et-Loire. Fin 2012, sa carrière aurait même pu s'accélérer. « Le sélectionneur camerounais Jean-Paul Akono m'a approché, lance Messi. Il a dépêché une délégation au SCO. Malheureusement, les dirigeants du club lui ont dit que je n'étais pas encore prêt pour le monde professionnel. C'est parti au clash avec Angers, et ça s'est terminé. »

Sans club, le buzz retombé, et lui avec. Un binôme d'agents lui propose des essais en Italie. Il y aura Lecce (alors en Serie D), séduit mais trop mal en point financièrement. Puis surtout Brescia (Serie B), où il passera six mois à s'entraîner avec le groupe professionnel, avant d'être berné par ses représentants. C'est à Colomiers qu'il connaîtra son apogée, avec cinq matches de National lors de la saison 2014-2015. Sans s'imposer. Il découvrira ensuite Auch (R1), Muret (R1), Fonsorbes (R2), Portet-sur-Garonne (R1), jusqu'à atterrir en District avec Ramonville (D2).

Des petits poucets parfois envieux de relancer l'intérêt autour de son nom. « À Muret, le président m'a signé un petit chèque parce que je donnais de la visibilité au club, synthétise Lionel Messi. Pareil à Portet. » Pas suffisant pour vivre du football. « J'ai fait de la restauration, des ménages... pour vous dire à quel point c'était compliqué. » Aujourd'hui, au Toulouse Rodéo, il touche 400 euros par mois, et complète son salaire en tant que préparateur de commandes, de 5h30 à 13 heures. Un anonymat reposant pour celui, peu rancunier, qui a un certain Lionel Messi pour joueur préféré.

 

L'Equipe